Le potentiel du secteur agricole ukrainien est bien connu. Grâce à ses terres noires très riches l’Ukraine assure une production suffisante pour nourrir 150 M de personnes, selon l’estimation faite par Taras Vysotskyi, vice-ministre de l’économie, du commerce et de l’agriculture de l’Ukraine. En effet, disposant de 42,5 M ha de surface agricole utile (32,6 M ha de terres arables dont 1% en agriculture biologique), l’Ukraine produit entre 92 et 94 M tonnes de céréales et d’oléagineux par an dont 54 à 55 M tonnes sont exportées. L’Ukraine est classée parmi les principaux exportateurs mondiaux pour le colza (n°2 mondial), le maïs, l’orge, le sorgo (n°4 mondial), le blé (n°5 mondial). Elle est aussi le n°1 mondial pour l’exportation d’huile de tournesol et le 3ème exportateur de noix. Le pays produit également 9,6 M tonnes de légumes, 20 M de tonnes de pommes de terre et 2,1 M tonnes de fruits.
Toutefois, malgré les performances de ce secteur, les sociétés agricoles ukrainiennes réfléchissent de plus en plus à la question de l’augmentation des rendements : le pays est en effet confronté aux changements climatiques, dont les impacts sont désormais évidents. L’été 2020 a ainsi battu plusieurs records climatiques, et fut le plus chaud depuis 1881 en Ukraine. Le secteur agricole subit ces changements de plein fouet : après les gels, au printemps, qui ont impacté les producteurs dans la fruiticulture, la sècheresse d’été a fait baisser les rendements du secteur céréalier. Le risque climatique est très important pour les agriculteurs ukrainiens car il est difficile de le prévoir ou de le palier. C’est aussi le principal facteur générateur de pertes.
Les agriculteurs sont obligés, dans ces conditions, d’augmenter l’efficacité de leur travail. Globalement, l’efficacité du secteur agricole ukrainien s’est sensiblement amélioré sur les 5 à 10 dernières années : le secteur a bénéficié d’investissements importants dans les technologies, et d’un soutien de l’Etat.
Toutes les sociétés leaders du secteur, telles que MHP, Kernel, Astarta, IMK, Ukrlandfarming, investissent dans la modernisation de leurs moyens de production, pour rester concurrentiel sur le marché global agricole auquel ils sont fortement intégrés : leurs actions sont cotées sur plusieurs bourses, leurs produits sont activement exportés. Néanmoins, pour les sociétés plus petites, l’idée d’investir dans les moyens de production modernes ne semble pas aussi évidente. Pourtant, le secteur est déjà confronté à une baisse de rentabilité : son niveau actuel de 20 % peut paraître comme assez satisfaisant mais il est en baisse sur les 5 dernières années, selon une étude de Raiffeisen Bank Aval.
Confronté aux changements climatiques, le secteur agricole ukrainien connait des mutations structurelles, et la production des certaines cultures traditionnelles en est affectée. Face à une certaine volatilité des prix pour le blé mais aussi de l’avoine, du colza et des betteraves à sucre, les sociétés ukrainiennes misent de plus en plus sur le maïs et le tournesol : les prix en sont plus prévisibles et la marge, plus importante.
Cette solution à elle seule ne suffit pas : si en 2018 le profit (avant imposition) des sociétés ukrainiennes s’est élevé à 336 USD / ha, il n’a été, en 2019, que de 156 USD / ha. En 2020, la situation semble être meilleure (234 USD / ha) grâce à la conjoncture mondiale.
Le Ministère de l’économie ukrainienne prévoit une récolte de céréales en 2020 à 68 M tonnes (contre 75 M tonnes en 2019). Les dépenses sont en hausse dans le secteur agricole : en 2019, les salaires ont augmenté de 39 %, ce qui a obligé plusieurs sociétés à diminuer le nombre du personnel auxiliaire (jusqu’à 10 %). Néanmoins, en 2020, les salaires sont restés stables.
La situation monétaire est favorable aux exportateurs ukrainiens qui profitent d’une légère dépréciation de la monnaie ukrainienne alors qu’en 2019, suite à l’appréciation de la hryvnia, plusieurs producteurs ont perdu jusqu’à 100 USD/ha de marge, selon la fondatrice d’Agrohub.
Toujours à la recherche d’une plus grande rentabilité, les sociétés agricoles cherchent à augmenter leurs banques foncières. Selon KPMG, deux tiers de contrats en M&A cette année ont concerné le secteur agricole, alors que cette part n’était que de 23 % en 2019. Globalement, les acquisitions sont estimées à 100 M USD. A titre d’exemple, la société Epicentr Agro a augmenté sa banque foncière de 40 %, en la portant à 160 000 ha. Les investisseurs étrangers ont également été actifs en Ukraine : la société française SAS Investcompagnie a racheté 3 sociétés ukrainiennes, la société saoudienne Agartha Found déclare avoir des projets ambitieux.
Toutefois, la voie d’un développement extensif est en train de s’essouffler, selon Olga Trofimtseva, l’ex-ministre de l’agriculture, qui recommande aux producteurs ukrainiens de passer de la production des matières premières à un modèle qui intègre la transformation. Elle indique qu’une société ayant une banque foncière de 100 000 ha devrait se poser la question d’un passage partiel à l’agriculture biologique, réfléchir à des cultures de niche à haute marge mais aussi étudier la possibilité de la transformation des produits et de la création d’une plus grande valeur ajoutée.
En portant un regard plus attentif sur les sociétés agricoles les plus rentables, il est facile de se rendre compte que ce sont souvent aussi celles qui sont le mieux équipées. Les sociétés comme IMK en font leur priorité, en investissant dans un matériel moderne, solide, efficace. Selon Oleksandr Verjykhovskyi, le directeur opérationnel de la société, son équipe étudie les modèles des machines des producteurs, en portant une attention particulière à certaines modalités, comme la possibilité d’effectuer des travaux à une plus grande vitesse et sans perdre au niveau de la qualité, ou bien dans la capacité des ces machines à effectuer certaines opérations avec une plus grande précision.
La société Ukrlandfarming a investi en 2020 plus de 2 M USD dans les équipements agricoles. Astarta, un autre agroholding ukrainien spécialisé entre autres dans la culture de la betterave à sucre et la production du sucre, a acheté cette année 31 tracteurs John Deere et 21 semoirs des producteurs différents. Cette acquisition permet à la société de renforcer son efficacité énergétique (les nouvelles machines consomment de 20 à 30 % moins de carburant), mais aussi de gagner en précision et en rapidité des opérations, ce qui améliorera la rentabilité, selon Vadym Skrypnyk, directeur de production d’Astarta.
L’utilisation de semences de qualité adaptées aux conditions climatiques ukrainiennes est une autre recette utilisée par les agriculteurs ukrainiens. Les principaux semenciers mondiaux sont bien présents sur le marché ukrainien, et les producteurs français y détiennent une part honorable.
Toutefois, le paysage agricole ukrainien n’est pas homogène. Au-delà de ces grandes sociétés qui investissent dans les technologies innovantes, des machines modernes, l’analyse des sols, l’agriculture de précision, il existe aussi un grand nombre de PME ukrainiennes qui ne le font pas, faute de ressources financières suffisantes. Selon Olga Trofimtseva, le niveau de pénétration des nouvelles technologies dans l’agriculture ukrainienne représente 10% des sociétés. Elle considère que sans un investissement plus massif dans l’innovation, il sera difficile à l’agriculture ukrainienne de garder sa place sur les marchés mondiaux.
Pour aller plus loin : Business France, au sein de la Team France, vous propose de rejoindre la 11éme édition du Pavillon France sur le salon AGROSPRING 2021, nouveau nom pour les salons déjà connus : Agro Animal Show, Grain Tech et Fruit, Vegetables, Logistics et représentant le moment fort de l’année pour les professionnels du secteur agricole. Il se déroulera du 16 au 18 février 2021 à Kiev, UKRAINE.
Sources : www.me.gov.ua, Novoye Vremia, www.mind.ua, www.kurkul.com