Un siècle après Emiliano Zapata et Pancho Villa, les formes contemporaines du mythe révolutionnaire mexicain sont incarnées par les conglomérats Femsa, Cemex, Alfa ou Bimbo. Déjà sur le pied-de-guerre pour affronter la 4ème révolution industrielle, se l’approprier et vaincre, ils sont leaders mexicains, latinoaméricains, voire mondiaux de la production de soft drinks, équipements pétroliers, matériaux de construction, produits alimentaires ; ils contribuent, avec l’ensemble des entreprises globales des grandes puissances économiques de la planète et de centaines de milliers d’industriels mexicains aussi compétitifs que diversifiés, à 37% de la formation du PIB national et emploient 25% de la population active. C’est dire à quel point l’avenir de la 13ème économie mondiale dépend du devenir de leur modèle industriel. Les problématiques touchant aux conséquences des « transformations technologiques exponentielles » en cours se trouvent donc aujourd’hui au centre de leurs préoccupation et le choix d’un modèle de transformation industrielle au cœur de leur réflexion et de leur stratégie. Industrie 4.0, Industrie du Futur… quelle différence... ? Ne s’agit-il pas dans un cas comme dans l’autre de robotiser les usines, de numériser les chaines de production, de faire usage du Big Data et de l’intelligence artificielle. ? Certes… Mais le modèle allemand, remarquablement marketé ici au point de créer des confusions, qui semble – ou semblait - s’imposer comme le modèle de référence de la 4ème révolution industrielle, commence à montrer ses limites : Industrie 4.0 apparaît comme un dispositif déshumanisé et socialement inadapté à une économie qui repose encore largement sur une abondante main d’œuvre peu qualifiée. La Française « Alliance pour l’Industrie du Futur » lui oppose quant à elle une vision probablement plus éthique, plaçant le capital humain au cœur d’un arsenal dont les meilleures armes sont, dans un esprit partenarial, la formation, le transfert de compétences et l’assistance technique.
Le sujet de la transformation industrielle du Mexique est à ce point vital pour le devenir économique et social du pays qu’il occupe, à moins de trois mois de l’élection présidentielle, une part importante de la campagne électorale : les trois principaux prétendants à la Présidence de la République, Andrés Manuel Lopez Obrador (MORENA, gauche), Ricardo Anaya (PAN, centre-droit) et José Antonio Meade (PRI, centre-gauche), rivalisent de propositions pour promouvoir un nouveau paradigme qui permette au Mexique de rester la grande puissance industrielle qu’elle est déjà tout en préservant un modèle social dont le plein emploi est le meilleur garant de la stabilité. De la révolution industrielle à venir, il est même attendu qu’elle offre au pays l’opportunité de s’affranchir de son statut d’éternel émergent et le propulse parmi les grandes puissances économiques mondiales.
Dans la compétition que se livrent par ailleurs le Mexique et la Chine pour devenir « l’usine du monde », la réussite de la transformation industrielle mexicaine constitue un enjeu majeur. Elle sera en particulier déterminante pour garantir au Mexique un accès préservé, voire renforcé, au marché nord-américain qui absorbe encore 80% des exportations mexicaines, soit plus de 300 milliards de dollars américains par an.
Nul ne peut désormais ignorer la portée de l’enjeu en termes de retombées économiques durables : l’Allemagne l’a compris, faisant naturellement le choix du Mexique comme invité d’honneur de l’édition 2018 de la Foire de Hanovre. Le Mexique y affichera résolument et explicitement son état d’esprit, son projet industriel, ses ambitions, ses richesses aussi, à l’opposé de celles et ceux d’un pays encore trop souvent fiché « atelier industriel des Etats-Unis » : comme illustration de cette réalité, les plus de 120 exposants nationaux, institutionnels et industriels, y seront regroupés sous les bannières « Digital Factory », « Research & Technology » ou encore « Young Tech Enterprises ». A Hanovre, à Mexico ou à Monterrey, la France et son Alliance pour l’Industrie du Futur sont attendues, la volonté mexicaine de s’appuyer sur le modèle français étant de plus en plus concrète, autant que celle, française, d’accompagner le Mexique dans sa transformation industrielle et technologique : le dialogue économique et politique à haut-niveau, la coopération scientifique et universitaire, la relation économique et commerciale sont aujourd’hui ouvertement orientés en ce sens.
Dans les faits, l’Alliance pour l’Industrie du futur et le ministère mexicain de l’Economie s’apprêtent à signer un accord de partenariat stratégique, dont la construction d’un « Centre franco-mexicain d’innovation technologique de conception et de fabrication numérique » sera l’une des premières réalisations : il s’attachera à développer de conserve les nouveaux et/ou futurs outils industriels comme le « reverse engineering », la fabrication additive métallique, l’IOT, la réalité virtuelle et augmentée, la robotique collaborative, etc.
Dans un pays qui produit chaque année plus de 400 milliards de dollars américains de valeur-ajoutée industrielle, bientôt 5 millions de véhicules automobiles, qui a pour ambition de concevoir et produire localement un aéronef civil d’ici 2022, où fleurissent les incubateurs et accélérateurs, qui s’est doté d’un puissant dispositif visant à promouvoir l’innovation et l’entrepreneuriat, dont on estime qu’il sera la 6ème puissance économique mondiale en 2050, la France, elle aussi en pleine transformation industrielle, doit dès aujourd’hui relever le défi proposé par le Mexique et soutenir sa Révolution. Ce soutien se fera au bénéfice des leaders de l’Alliance pour l’Industrie du futur, des startup, PME et ETI qui les accompagnent, au bénéfice surtout du renforcement de la relation entre la France et le Mexique, « de partenaires à alliés ».
Philippe Garcia - Directeur de Business France Mexique