Quoique promettent sur le Brexit les candidats à la succession de Theresa May, le Parlement européen continue de s’opposer à un Brexit « no deal », soit un Brexit sans accord avant la date butoir du 31 octobre 2019.
Pour l’Union européenne et le Royaume-Uni, un scénario de Brexit sans accord correspondrait à entretenir des relations commerciales dans le cadre des règles de l’OMC, c’est-à-dire être des partenaires commerciaux n’ayant aucun accord, au même titre que les Etats-Unis et l’UE 28 par exemple. Par conséquent, cela entrainerait l’application de droits de douane de l’ordre de 3% en moyenne sur les importations britanniques, pouvant atteindre 13% en moyenne dans l’agriculture, et jusqu’à 40% pour les produits laitiers[1].
La menace de nouvelles barrières non-tarifaires
Par ailleurs, un Brexit sans accord impliquerait également l’application de barrières non-tarifaires, créant ainsi de nouveaux obstacles en termes de normes et de standards à l’entrée des marchandises en provenance de l’UE 27 sur le territoire britannique. On comprend parmi ces mesures des règles sanitaires, phytosanitaires et environnementales dans le domaine de l’agriculture.
Pour le secteur des produits laitiers, ces barrières non-tarifaires seraient conséquentes, de l’ordre de 74% de droits de douanes pour les produits laitiers britanniques. Par ailleurs, dans le cas où l’UE 27 et le Royaume-Uni ne parviendraient pas à un accord, il n’y aurait aucune période de transition.
Au vu de ce scénario catastrophe pour la filière britannique, le groupe parlementaire multipartite dédié aux produits laitiers (Dairy All-Party Parliamentary Group) a récemment exigé des aides aux exportations afin de soutenir le secteur en période de post-Brexit.
En effet, les exportateurs britanniques de produits laitiers souhaitent plus que jamais poursuivre et entretenir leurs relations commerciales fructueuses avec les pays membres de l’UE. Même si le Brexit peut potentiellement offrir de nouvelles opportunités, le rapport publié le 6 juin 2019[2] dresse la liste des défis auxquels les acteurs de la filière laitière britannique devront faire face, parmi lesquels les droits de douanes sur les échanges commerciaux, le maintien des standards et normes actuels, la certification de santé animale, bâtir de nouvelles relations commerciales sur d’autres marchés.
La filière des produits laitiers reste un secteur clef dans l’agriculture britannique, en effet, il emploie 25 000 personnes dans le secteur de la transformation laitière et 50 000 dans les exploitations laitières.
L'Association Laitière Européenne met en garde contre les conséquences désastreuses d'un "no deal"
Le Secrétaire général de l'Association Laitière Européenne, Alexander Anton, a récemment mis en garde contre les conséquences en cas de scénario d'un "no deal" entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne pour l'industrie laitière mondiale. Selon lui, ces répercussions seraient bien plus lourdes que l'embargo de 2014 sur les importations de produits laitiers à destination de la Russie.
En effet, les parts de marché de l'UE 27 au Royaume-Uni sont considérables. Le volume de beurre vendu à la Grande Bretagne par les pays membres de l'UE 27 est trois fois plus élevé que ne l'étaient les exportations de l'UE 28 vers la Russie à l'époque, quant au fromage, le volume exporté au Royaume-Uni par l'UE 27 est multiplié par deux par rapport à la Russie en 2014.
Par ailleurs, l’imbrication de la chaîne logistique est pleinement intégrée à l’échelle européenne. A titre d’exemple, entre l’Irlande et le Royaume-Uni, une sortie du marché unique de ce dernier aurait de graves conséquences pour la filière, car le premier pays vers lequel l’Irlande exporte sa production reste son voisin britannique, avec 388 000 tonnes de produits laitiers exportés en 2018, soit 983 millions EUR en valeur, ce qui en fait son premier partenaire commercial dans ce secteur. Par ailleurs, 80% du lait récolté en Irlande du Nord est transporté vers l’Irlande afin d’y être transformé.
Pour la France, le Royaume-Uni est un marché important avec 266 000 tonnes de produits laitiers exportés en 2018, soit 609 millions EUR.
Dans l’hypothèse d’un Brexit sans accord et de l’interruption de la chaîne de transport et de logistique, la filière des produits laitiers britannique se prépare et a ainsi constitué des stocks afin de répondre au besoin des consommateurs sur une certaine période, mais cela n’empêchera probablement pas une augmentation des prix pour les consommateurs.
Des opportunités pour la filière laitière européenne
Malgré ce climat économique attentiste, l'Association Laitière Européenne souligne les récents succès de l’Union européenne, notamment l’accord de partenariat économique entre l’UE et le Japon et l’accord de libre-échange avec la Corée du Sud. Selon Alexander Anton, ces accords de libre-échange concernent 1,2 milliard de personnes, ce qui représente une marge de progrès considérable pour l’avenir de la filière.
Sources :
GTA
http://www.cepii.fr/BLOG/bi/post.asp?IDcommunique=646
https://www.foodingredientsfirst.com/audios/dairy-and-the-catastrophic-no-deal-brexit-threat.html
[1] http://visualdata.cepii.fr/panorama/fr/?country=France
[2] https://www.dairyuk.org/wp-content/uploads/2019/06/Dairy-APPG-Inquiry-Supporting-the-Future-of-UK-Dairy-Exports.pdf