Un pouvoir d’achat en hausse et une image France qui n’a de cesse de séduire : en pleine crise économique, l’Amérique latine et son « business as usual » dans le secteur cosmétique créent une embellie bienvenue pour les exportateurs. « Les publications sur la zone connaissent un boom de téléchargements » confie Daniela Lefebvre, conseillère export Art de vivre Business France en Argentine.

  

1. FACE AU COVID, UN SECTEUR TOUJOURS OPTIMISTE

2. UN POUVOIR D’ACHAT COSMÉTIQUE EN EXPLOSION

3. LE « MADE IN FRANCE » EN PÔLE POSITION

4. L’INNOVATION AVANT LE BIO

5. PREMIERS PAS SUR LE MARCHÉ

6. DISTRIBUER PARTOUT : RETAIL ET VENTE DIRECTE

7. SE FAIRE CONNAÎTRE PAR LE MADE IN FRANCE ?

  

 

FACE AU COVID, UN SECTEUR TOUJOURS OPTIMISTE

Pour novembre prochain, elle organise avec ses homologues du Chili et de Colombie un événement digital qui promouvra l’offre française auprès des distributeurs/importateurs de la zone[1]. Le but : susciter des courants d’affaires même en période de COVID. « C’est le moment de se présenter : les acheteurs ont le temps et ils préparent la reprise », suggère Alexandra Regnault, chargée d’affaires Business France au Chili. Là-bas, le taux de croissance 2021 est déjà estimé à 5%.

 

Face à la crise, les cosmétiques ont effectivement bien tenu le choc : le maintien de la vente en pharmacie et le passage en douane accéléré - au titre des produits d’hygiène en Colombie - ont grandement facilité les choses. Et le secteur continue d’afficher des indicateurs de croissance importants : 9% par an en Colombie, 4,3% au Chili[2] et un saut de 8 à 11 milliards de CA au Mexique entre 2019 et 2022. « La crise du COVID a surtout changé le rapport de ces marchés avec le e-commerce », souligne Pascaline Leon, conseillère Art de vivre au Mexique pour Business France. « Les consommateurs se sont digitalisés en un temps record (les ventes en ligne mexicaines ont explosé de 500% et, au Chili, la part du e-commerce est passée de 8% à 25% en quelques mois). Cela a créé un choc pour les distributeurs en termes de supply chain et d’ergonomie web mais ils sont maintenant en capacité de distribuer largement via ce canal ».

 

UN POUVOIR D’ACHAT COSMÉTIQUE EN EXPLOSION

Les cosmétiques font donc leur relooking en Amérique Latine, portés par une consommation de plus en plus aisée qui se tourne davantage vers les haute et moyenne gammes : « Il y a dix ans, les mexicains se rendaient aux Etats-Unis pour acheter du premium : maintenant ils consomment maquillages, dermocosmétiques et parfums directement près de chez eux » constate Pascaline Leon. Avec 16 millions de personnes aux revenus mensuels supérieurs à 2000 euros, le Mexique s’impose comme le premier consommateur latino-américain de produits de luxe et le 2e de produits cosmétiques derrière le Brésil. « Au Brésil, c’est la régularité de l’achat qui est intéressante, témoigne Maria-Dulce Osinski, chef du pôle Art de Vivre et Santé. Les brésiliennes peuvent mettre du parfum plusieurs fois par jour et aller chez le coiffeur sur une base hebdomadaire : plus leur classe sociale est aisée, plus la fréquence augmente ». Avec 44 millions de personnes considérées « classe aisée » qui achètent régulièrement des biens importés, et 110 millions de la classe moyenne qui y recourent ponctuellement et à crédit, le Brésil s’impose comme le 3e ou 4e marché mondial pour les cosmétiques en CA.

 

LE « MADE IN FRANCE » EN PÔLE POSITION

Mais le réservoir d’opportunités n’est pas limité aux grandes démographies de la zone : en Colombie (48 millions d’habitants), en Argentine (44 millions) et au Chili (19 millions), la forte tradition cosmétique assortie d’un important prisme culturel français créent un appel d’air pour les marques hexagonales, notamment moyenne gamme. « L’Argentine offre un pool de consommateurs totalement acquis aux innovations françaises, relève Daniela Lefebvre. L’Oréal y fait ses meilleures parts de marché, Pierre Fabre aussi ». Une francophilie qui explique l’hyperprésence des marques françaises dans ces 5 pays - des traditionnels acteurs du luxe aux challengers Nuxe, Caudalie, Yves Rocher, Filorga, etc.

 

Au Chili où le pouvoir d’achat est le plus fort[3] et où la population consomme jusqu’à 16 produits de cosmétique par an, les chiliens se ruent sur les parfums et dermo-cosmétiques français, faisant de l’Hexagone le premier fournisseur de fragrances du pays, en augmentation de 30% depuis 2017. En Colombie où le budget cosmétique par habitant est le plus élevé de la zone (300 dollars par an), certaines marques locales comme la Foret n’hésitent pas à acheter des ingrédients en France pour pouvoir inscrire « Made in France » sur leur étiquette - même si la fabrication et le packaging sont réalisés sur place. « La Colombie propose des zones franches qui permettent à des producteurs locaux d’importer à peu de frais, ce qui offre de belles perspectives aux fabricants d’ingrédients et aux formulateurs français », souligne Jacqueline Chaupart, conseillère export à Bogota.

 

L’INNOVATION AVANT LE BIO

Car la présence d’ingrédients innovants dans un produit de soin s’impose peu à peu comme un facteur clé de succès en Amérique Latine : « Pour des produits premium, l’efficacité et le storytelling de l’ingrédient sont au cœur des enjeux, parfois davantage que le prix », poursuit Jacqueline Chaupart qui mentionne les argiles, l’avocat, les nanotechnologies mais aussi les ingrédients de médecine esthétique (fils tenseurs, acide hyaluronique) comme produits en vogue sur les marchés colombien, brésilien et argentin. Au Mexique, on insiste sur l’aspect expérientiel du produit, avec un effort porté sur la personnalisation – la diversité des phénotypes étant un différenciateur-clé de ce marché, comme au Brésil.

 

En revanche, pas encore de vague « naturelle et bio » sur toute la zone, même si une prise de conscience du consommateur commence à poindre sur la notion de « produits naturels » et que des tendances fortes se dessinent au Brésil et au Chili. « Au Brésil, les grandes marques comme Natura (troisième acteur mondial du secteur) ou O Boticário agissent en prescripteurs du marché et depuis deux ans, on commence à observer un intérêt de ces marques pour les labels bio, cruelty free ou vegan », témoigne Maria-Dulce Osinski. Mais la notion de « certification bio » reste encore un peu flou pour le consommateur. Au Chili, la tendance se confirme sur le segment du packaging avec la signature du Pact for Plastic. « Ces besoins en packaging haut de gamme importés se ressentent aussi en Colombie », signale Jacqueline Chaupart.

 

 

PREMIERS PAS SUR LE MARCHÉ

Packaging, dermo-cosmétique (Avène est numéro 1 au Mexique), parfums (Dior J’adore est numéro 1 au Brésil), solaire (dans les pays d’altitude surtout) ou beauté hommes (10% du CA des cosmétiques en Argentine) : les secteurs porteurs sont donc nombreux à offrir des opportunités en Amérique Latine. « C’est facile de venir tester une offre au Mexique car il n’y a pas d’enregistrement et zéro droit de douane depuis l’UE : il faut simplement trouver un bon importateur/distributeur et on peut avoir des courants d’affaires en six mois », pointe Pascaline Leon. Une facilité réglementaire et une ouverture douanière qu’on retrouve en Colombie, signataire de multiples accords avec l’UE, les Etats-Unis, l’Alliance du Pacifique et la Communauté Andine, et au Chili où le nombre de filiales de grands groupes a doublé depuis dix ans. Au Brésil et en Argentine, on attend encore que l’accord signé en 2019 entre l’UE et le Mercosur entre en application.

 

« La clé d’entrée sur un marché, c’est donc sans surprise de trouver un bon partenaire et d’investir dans la relation avec lui », témoigne Maria-Dulce Osinski au Brésil. « En Argentine, les importateurs sont les drivers du marché : ce sont eux qui décident des innovations et des tendances qu’ils recherchent et 98% d’entre eux sont également distributeurs », signale Daniela Lefebvre. « Un petit milieu » confirment Pascaline Leon et Alexandra Regnault qui recommandent de choisir un partenaire agréé comme importateur et non un agent.

 

DISTRIBUER PARTOUT : RETAIL ET VENTE DIRECTE

« Reste à former les forces de vente en magasins car le marketing fonctionne beaucoup par ce biais », signale Jacqueline Chaupart en Colombie. Dans les boutiques de peau colombiennes (« Bella Piel »), des conseillers en dermatologie interviennent auprès des consommateurs, et dans les corners beauté des grands magasins (comme Liverpool au Mexique), les ‘beauty advisers’ poussent certaines marques auprès du client. « Il y a également un boom du réseau des pharmacies qui, à l’instar de Farmacias San Pablo, cherchent à se premiumiser en offrant un modèle de parapharmacie à la française », signale Pascaline Leon au Mexique. Une stratégie de distribution qui pourrait s’avérer payante au Brésil où les chaînes de pharmacies nationales appliquent des tarifs plus avantageux que les chaînes spécialisées régionales.

 

E-commerce, réseaux spécialisés (Falabella, Renner, Fedco), réseaux professionnels (spas, instituts et dermatologues) : les canaux de vente ne manquent pas pour répondre aux besoins du consommateur. Mais l’une des spécificités de la zone est probablement la place importante encore prise par les canaux de vente directe - catalogues et « réunions tupperwares » (environ 25-30%) : « Même s’il sera probablement remplacé à terme par le e-commerce, ce canal est encore très actif avec de grands acteurs comme Natura ou Fuller, cite Maria-Dulce Osinski. Cela s’explique historiquement par la vaste superficie des territoires concernés : la vente directe permettait d’atteindre tout le monde, y compris des territoires reculés ».

 

SE FAIRE CONNAÎTRE PAR LE MADE IN FRANCE ?

Que reste-t-il alors pour franchir l’Atlantique ? Probablement la levée de certaines réticences sur la distance ou la situation économique des pays (« non les indicateurs du Brésil ne sont pas si moroses », « oui le Mexique continue sur sa lancée malgré le COVID »). Mais aussi un travail sur l’imprégnation d’un univers de marque auprès d’une cible particulièrement sensible à son pouvoir : « Même si le label Made in France agit déjà comme un accélérateur, il faut investir dans la création du buzz », insiste Alexandra Regnault au Chili. Campagnes Instagram, influenceurs et même presse people (section « vida social » des journaux) forment ainsi un passage obligé. « Sachant qu’on peut compter aussi sur le fait que ces populations voyagent beaucoup et découvrent les marques en Europe », signale Daniela Lefebvre en Argentine.

 

… Un argument de plus pour accélérer l’ancrage des cosmétiques françaises dans le paysage latino-américain. « Même si un produit est cher, les consommateurs vont se payer la qualité française ». « Il manque des acteurs sur le segment moyenne gamme ».

 

2021, l’année ‘AmLat ‘ pour le secteur cosmétique ?

 


 

[1] French Beauty Tour Digital. Du 24 novembre au 2 décembre 2020. En savoir +
[2] Estimation annuelle d’ici à 2023
[3] 15% de la population gagne plus de 7000 USD par mois : 1ers consommateurs d’Amérique Latine en matière de produits premium