Composée de deux pays insulaires (Japon et Taiwan) et d’une péninsule (Corée du Sud), l’Asie du Nord-Est est une région à fort potentiel pour l’éolien offshore, du fait d’un espace maritime conséquent et de politiques gouvernementales incitatives. Taïwan, la Corée du Sud et le Japon visent respectivement à augmenter leurs capacités installées de 10,5 GW, 12 GW et 30 GW d’éolien en mer supplémentaires d’ici 2030-40. Des projets et investissements de grande ampleur sont de ce fait sur les rails, porteurs d’opportunités pour les entreprises françaises souhaitant se positionner sur ces marchés.
Taiwan : un hub technologique dans la région
A la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima au Japon, le gouvernement taïwanais a décidé la sortie définitive de l’énergie nucléaire planifiée pour 2025. Afin de répondre à l’urgence climatique et réduire la dépendance envers l’énergie importée, le gouvernement a ainsi programmé une transition énergétique s’appuyant sur l’essor des énergies renouvelables. L’objectif est d’atteindre un bouquet énergétique composé à 50 % de gaz, 30 % de charbon et 20 % d’énergie renouvelable à l’horizon 2025.
En matière d’énergie verte, alors qu’initialement l’énergie solaire constituait la source prédominante sur l’île, le secteur éolien se développe rapidement, particulièrement l’éolien en mer, en raison de différents avantages environnementaux de Taïwan. Les capacités installées prévues pour l’éolien en mer seront à 5,7 GW d’ici 2025. Un objectif de 10 GW supplémentaires à mettre en œuvre sur la période 2026 – 2035 a par ailleurs été ajouté en 2019.
Le programme de l’éolien en mer à Taïwan s’étale sur trois phases. La première phase concerne la commercialisation de deux parcs éoliens en mer démonstratifs en 2020 pour une capacité d’installation de 520 MW, dont l’un est toutefois toujours en cours de construction du fait de la pandémie de COVID19. La 2ème phase vise à atteindre une capacité d’installation de 5,7 GW en 2025. Quant à la 3ème phase (2026 – 2035), la capacité d’installation prévue de 10 GW sera probablement divisée en 3 périodes : 2 GW entre 2026 et 2027, 3 GW entre 2028 et 2030 et 5 GW entre 2031 et 2035. Le bureau de l’énergie (BOE) du ministère des Affaires économiques de Taïwan devrait publier la réglementation de la 3ème phase prochainement et lancer l’appel d’offres en 2022. Il pourrait ouvrir des opportunités pour les acteurs de l’éolien flottant.
Ayant identifié les besoins imminents, un certain nombre d’entreprises étrangères se positionne sur le marché de l’éolien en mer local, notamment des développeurs et des équipementiers comme Ørsted, CIP, WPD, Northland Power, Siemens Gamesa etc. Avec une présence sur place depuis quelques années, Ørsted, CIP et WPD ont d’ailleurs déjà obtenu les capacités d’installation les plus importantes dans la 2ème phase par rapport à leurs concurrents.
Taiwan vise haut et se veut être un hub technologique pour l’éolien en mer dans la région. Bien que le secteur manufacturier représente plus de 30 % du PIB taïwanais avec quelques grands acteurs dans la construction navale (CSBC), l’EPC (China Steel, Taipower), peu d’entreprises taïwanaises ont le savoir-faire requis en matière d’éolien. Afin que le développement du secteur éolien soit bénéfique pour les entreprises locales, le ministère des Affaires économiques taïwanais a imposé une politique de « local content », selon laquelle les développeurs de fermes éoliennes devraient confier certaines proportions de travaux aux entreprises locales. Des acteurs locaux souhaitant s’impliquer dans ce secteur mais étant dépourvus des expertises relatives regardent de nouvelles technologies proposées par les entreprises étrangères avec beaucoup d’intérêt. De nombreuses opportunités se dessinent ainsi pour les entreprises françaises dans de différents domaines, tels que les opérations de maintenance, les outils et services pour l’exploitation, la surveillance, la sécurité et la sûreté d’exploitation, la gestion d’énergie etc. Les acteurs de l’éolien flottant pourraient également trouver à Taïwan l’occasion de démontrer leur savoir-faire, si le pays confirme son intérêt pour cette technologie lors des prochaines attributions d’appels d’offres. Avec un écosystème ouvert et un environnement stable qui facilitent les échanges internationaux, Taiwan peut servir de base à un développement sur tout marché éolien asiatique.
Corée du Sud : le nouvel entrant aux objectifs ambitieux
L’un des objectifs emblématiques de la Corée du Sud en matière environnementale est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Exploitant le 5ème parc nucléaire dans le monde, le pays s’est engagé dans une politique de sortie du nucléaire à la suite de l’élection en 2017 du président Moon Jae-In, ainsi que dans la fermeture de ses centrales à charbon, au profit des énergies renouvelables.
Dans le cadre du plan de relance « Green New Deal » présenté en 2020, le gouvernement coréen a fixé un objectif de 20% d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique du pays d’ici 2034, un enjeu de taille. La Corée du Sud, dépendant à 80% des énergies fossiles et 9ème pays le plus énergivore au monde, va en effet devoir multiplier par quatre ses capacités installées d’énergie renouvelable, la priorité étant donnée aux énergies solaires et éoliennes. Au total, 53 Mds EUR doivent être investis dans le cadre du Green New Deal pour accélérer cette transition.
L’éolien en particulier ne représente aujourd’hui que 0,6% du mix électrique actuel, avec des capacités installées de 124 MW et une production estimée à 3,1 TWh. Le pays a pour ambition de pousser cette production à 57 TWh d’ici 2034, soit 8,9% du mix électrique, en développant massivement les capacités installées.
Du fait de son territoire étroit et montagneux, la Corée donne la priorité à l’éolien offshore, avec pour objectif des capacités installées de plus de 12 GW d’ici 2030 et de 20 GW d’ici 2034. On recense aujourd’hui 23 projets de champs offshores, dont 5 flottants, localisés dans la province du Jeolla du Nord (2,4 GW d’ici 2028), du Jeolla du Sud (800 MW) et au large de la ville d’Ulsan (1,5 GW). Le gouvernement a également annoncé en février 2021 que 36 Mds EUR seraient investis, en partenariat avec des acteurs privés, pour la construction du plus grand parc éolien offshore du monde. D’une capacité de 8,2 GW et prévu pour 2030, celui-ci sera largement plus important que le plus grand parc offshore actuel, Hornsea 1 en Grande-Bretagne, d’une capacité de 1,12 GW.
En matière de savoir-faire industriel, la Corée dispose déjà d’une filière structurée, mêlant acteurs de la construction navale (Hyundai Heavy Industries, Samsung Heavy Industries), EPC (SK E&S, Hanwha E&C), fabricant de mats et pâles (CS Wind, Hyosung, Samkang M&T) ou encore fabricants de turbines (Doosan). Si la chaîne de valeur coréenne est donc dans les faits assez complète, plusieurs opportunités subsistent pour les entreprises françaises, en particulier dans les domaines suivants : planification et conception des projets, opérations d’installation, outils et services pour l’exploitation, développement, sécurité et sureté d’exploitation, ou maintenance des futurs parcs. L’attractivité et le dynamisme du marché coréen incitent par ailleurs certains groupes internationaux à s’y positionner : Ørsted possède une branche coréenne et prévoit de construire un parc offshore de 1,6 GW, alors que Total s’est positionné sur trois projets de parc offshore d’une capacité cumulée de 2,3GW.
Japon : un marché émergeant dynamique
Depuis 2011, la part de l’autosuffisance énergétique du Japon a chuté de 20,2% à 9,6% (le plus bas des pays de l’OCDE). Le développement rapide du secteur des EnR figure de ce fait dans les objectifs stratégiques de recouvrement des capacités de production énergétique du pays, dont la part à l’horizon 2030 devrait atteindre les 24%. En outre, le gouvernement japonais s’est engagé à une décarbonisation nette à l’horizon 2050 et a parallèlement annoncé en décembre 2020 une allocation de 16 Mds EUR au secteur dans le cadre de son plan de relance économique, dont une partie significative devrait bénéficier à l’éolien. Le ministère de l’économie et de l’industrie ambitionne de promouvoir ce dernier comme l’une des principales sources d’énergie renouvelable du pays.
Bordé par la mer du Japon au nord, la mer des Philippines au sud et l’Océan Pacifique sur sa façade orientale, le potentiel de génération total estimé du pays est de l’ordre de 91 GW avec les technologies de turbines actuelles. Ces caractéristiques géographiques ont permis la sélection de 11 grandes zones initiales dites « de promotion » au large des préfectures d’Akita, Aomori, Nagasaki et Chiba, et 10 nouveaux sites seront divulgués prochainement.
Au premier trimestre 2021, le pays dispose d’une capacité combinée de 4,44 GW sur ses parcs onshore, semi-offshore et offshore, équivalant à 4% de la production électrique renouvelable ou 0,8% de son mix énergétique. La capacité installée dans l’éolien en mer s’élève à 70 MW dont 5 turbines flottantes générant 19 MW. La dynamique naissante du secteur s’est matérialisée au quatrième trimestre 2020 avec le lancement de la construction des deux premières fermes à échelle commerciale au large d’Akita (140 MW) par un consortium mené par Marubeni Corporation. Au total, 28 GW de capacités sont recensés sur 57 projets en cours de développement et de construction, auxquels devraient s’ajouter 3 ou 4 projets par an dès cette année.
Le pays s’est ainsi fixé un plan ambitieux pour le développement de l’éolien offshore, avec un objectif de 10 GW à l’horizon 2030 et 30 à 45 GW à l’horizon 2040. Cet engouement est également illustré par l’arrivée de développeurs internationaux majeurs, à l’instar de Northland Power (Canada), Ørsted et CIP (Danemark), Iberdrola (Espagne), RWE Renewables (Allemagne), Shell (R-U, P-B), Equinor (Norvège), lesquels se sont positionnés sur des projets en co-entreprises avec des développeurs et donneurs d’ordres locaux. Sur le reste de la chaine de valeur, les entreprises françaises et japonaises collaborent aussi bien sur le marché domestique que dans les pays tiers, à l’image de Vergnet et Okinawa EPCO, Naval Energies et Hitachi Zosen, Idéol et Taisei, ENGIE avec Toyota Tsusho, J-Power et Sumitomo Corporation, etc.
En plus de la mobilisation du secteur privé, l’éolien en mer et les énergies renouvelables de manière générale bénéficient du soutien de la population et des gouvernements locaux/municipaux en raison de la réticence de la société civile au redémarrage des réacteurs nucléaires.
Conclusions : Des opportunités à saisir pour les entreprises françaises
Le marché de l’éolien offshore est en pleine expansion en Asie du Nord-Est. Les différents projets mis en place dans la zone offrent des opportunités réelles pour les acteurs français, dont le savoir-faire et l’expertise sont reconnus. L’intérêt de ces pays pour l’éolien flottant, s’il se confirme, ce qui semble devoir être le cas, est source d’opportunités pour les entreprises de ce domaine, sur lequel la concurrence est moins affirmée. Sur l’éolien posé, les entreprises devront se démarquer sur le prix et/ou sur l’innovation, compte tenu de l’implantation déjà forte des développeurs et acteurs industriels internationaux et des critères de local content mis en œuvre.